Mémoires Quantiques
Les mémoires quantiques sont un élément essentiel des réseaux de communication quantique. Nous étudions théoriquement et expérimentalement la réalisation d'une telle mémoire dans un ensemble d'un grand nombre d'ions piégés et refroidis par laser.
La transmission de l'information quantique se fait habituellement par voie optique et se heurte aux pertes inévitables lors de la propagation. Afin de lutter contre ces pertes, il est nécessaire de répéter périodiquement l'information. Sans mémoire quantique, c'est à dire sans un milieu matériel capable de conserver l'information quantique, le taux de succès de ce protocole diminue de manière très rapide avec la distance de propagation, ce qui empêche les communications à longues distances.
Afin de caractériser la qualité d'une mémoire quantique à base d'ions piégés, nous avons déterminé des critères pertinents. Nous avons restreint notre approche au cas des variables continues où le faisceau transportant l'information et le milieu matériel destiné à stocker cette information sont composés d'un très grand nombre de particules individuelles (photons ou ions) et dont les propriétés peuvent être décrites par deux "quadratures" analogues formelles de l'impulsion et de la position d'une particule. On peut alors donner des critères pour distinguer
des mémoires quantiques "identité" (MQId), c'est à dire des mémoires fournissant un état quantique aussi proche que possible de l'état de départ;
des mémoires quantiques à mesure différées (MQMD) permettant la mesure d'une quadrature arbitraire après un temps de stockage arbitraire.
Ce second type de mémoire est en particulier utile dans les attaques contre certains protocoles de cryptographie quantique.
Nous avons étudié le cas particulier du protocole utilisé dans la première expérience de mémoire quantique (B. Julsgaard, J. Sherson, J.I Cirac, J. Fiurasek, E.S. Polzik, "Experimental demonstration of quantum memory for light", Nature (London) 432, 482 (2004) ). Nous avons montré qu'avec des paramètres réalistes, il n'est pas possible de réaliser une MQId mais qu'il est possible de réaliser une MQMD avec des temps de vie très longs (plusieurs secondes). Par rapport aux expériences avec des atomes en vapeur ou refroidis par lasers, l'intérêt principal des ions tient au fait que ceux-ci sont immobiles ce qui permet de s'affranchir du temps de transit dans le faisceau laser et, par des techniques de type échos de photons, des effets des champs magnétiques résiduels qui sont actuellement les facteurs limitants dans ce type d'expériences.
Plus d'informations peuvent être trouvées dans l'article "Feasibility of a quantum memory for continuous variables based on trapped ions" disponible sur ArXiv à la référence quant-ph/0607054.
Il est important de noter que les conditions pour stocker non pas un faisceau intense mais des photons uniques sont similaires et qu'un ensemble d'ions peut également servir à réaliser une telle mémoire.
Nous sommes actuellement en train de monter une expérience visant à développer un piège contenant un grand nombre d'ions (quelques milliers ou plus). Ce projet a reçu le soutien de l'Agence Nationale de la Recherche.
Nous avons actuellement réussi à piéger et à refroidir un nuage de quelques centaines d'ions de Sr+. Pour cela, nous disposons d'une diode laser sur réseau à 422 nm qui permet de refroidir les ions et d'un laser à fibre à 1092 nm servant de repompeur. Le piégeage se fait à l'aide d'un piège de Paul linéaire de grandes dimensions avec un accès optique sur l'axe permettant une interaction efficace avec un faisceau laser. Nous sommes en train de monter un laser Titane:Saphir doublé en fréquence afin de disposer d'une source adaptée à l'information quantique et pouvant interagir efficacement avec les ions.
Niveaux de l'ion Strontium impliqués dans
l'expérience et photo du piège de Paul utilisé. Les ions sont piégés
dans la zone centrale comprise entre les quatre électrodes
cylindriques en cuivre et les deux électrodes centrales en
Dural.